Message de Nicolas Sarkozy, président de la République
Message de M. Nicolas SARKOZY, Président de la République, pour l’ouverture du colloque « Archives, identité, République », lu par M. Dominique ANTOINE.
Paris, le mercredi 27 juin 2007
Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Député, Madame le Maire, Monsieur le Président de l’Université de Paris XIII, Mesdames et Messieurs ;
Je regrette de ne pouvoir être aujourd’hui parmi vous à l’ouverture de ce colloque organisé par l’association Une cité pour les Archives nationales.
Cet événement marque symboliquement une étape importante dans l’histoire de ce beau projet : la construction d’un nouveau centre pour les Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine. En la personne d’Annette Wieviorka, sa Présidente, ainsi que celle de Georgette Elgey, qui préside son comité d’honneur, je tiens à saluer l’action de l’association Une cité pour les Archives nationales qui se bat depuis si longtemps pour que cette entreprise aboutisse. J’ai aussi une pensée pour René Rémond, qui joua un grand rôle dans l’association. Nous sommes, depuis février 2007, entrés « en phase d’APD », d’ « avant-projet définitif ». A mes yeux, rien désormais ne peut s’opposer à la construction, au cœur de la Seine-Saint-Denis, de ce qui sera le deuxième plus grand Centre d’archives du monde, destiné à collecter, conserver et communiquer les archives des administrations centrales de l’Etat depuis 1790, et pour les trente ans à venir.
Je veux vous redire aujourd’hui toute l’importance que j’accorde à ce projet et vous confirmer ma ferme intention qu’il aboutisse dans les délais prévus. J’ai pour cela toute confiance en la Ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, ainsi qu’en Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France, et Isabelle Neuschwander, directrice des Archives nationales, trois femmes dont l’énergie et la hauteur de vue ne sont plus à démontrer.
En raison de la longueur de notre histoire, de l’ancienneté de notre Etat, il n’est peut-être pas au monde de collection plus riche, plus complète (malgré ses inévitables lacunes), que celle présentée par nos Archives nationales. Celles-ci constituent un trésor inestimable. Trésor pour les historiens, bien sûr : toute étude sérieuse – les universitaires le savent bien- commence par un « travail d’archives » : il s’agit d’éplucher sans relâche, pendant des jours, des années parfois, les documents innombrables, et parfois difficiles à déchiffrer, que le passé nous a légués.
Trésor pour tous les Français. Car les archives ne sont pas seulement une affaire de spécialistes : dépositaires de la mémoire accumulée de notre pays, elles sont le reflet de toute notre histoire. A ce titre, elles constituent le creuset de l’identité nationale et, sans doute, le cadre de toute action politique future. Non que le passé ait à nous dicter l’avenir : l’avenir, c’est à nous, maintenant, de le décider. Mais cependant le passé doit nous guider : sans le sentiment partagé d’un héritage commun, assumé avec fierté –mais aussi avec lucidité, dans un esprit de vérité-, nous ne pourrons répondre ensemble aux défis de demain.
Si nous voulons nous forger une identité commune, il faut que ce passé dont nous sommes fiers, soit accessible à tous. Autrefois, nos Rois conservaient jalousement les clés des Archives du pays : elles étaient l’instrument de leur pouvoir. Elles sont aujourd’hui (et depuis la Révolution française) ouvertes au plus grand nombre. Mais l’affirmation de ce principe ne suffit pas ; il faut permettre à chacun –et en particulier aux nouveaux venus dans notre République- de s’approprier effectivement le patrimoine national. Non seulement il faut laisser les historiens travailler, en toute indépendance et dans les meilleures conditions matérielles ; mais il faut encore assurer la diffusion du savoir et favoriser le contact direct des Français avec leur passé –notamment par le biais de la consultation des archives. A ce travail d’éducation jamais achevé, le nouveau centre de Pierrefitte-sur-Seine prendra une part éminente.
Mesdames et Messieurs, vous voyez qu’à ma manière j’ai tenté de m’inscrire dans le thème de votre colloque, et de vous suggérer le lien qui existe entre ces trois notions : archive, identité et République.
D’une part il n’y a pas d’identité nationale sans archives, soigneusement conservées : leur constitution est comme l’acte de naissance d’une nation, car c’est par elles que la nation se forge, progressivement, un passé. C’est en ce sens que 1194, date à laquelle Philippe Auguste décide de conserver en lieu sûr les archives royales, marque le début de l’histoire de France.
Mais cela, d’autre part, ne suffit pas : il n’y a pas de République, c’est-à-dire de démocratie pleine et entière, si cette identité n’est pas accessible à tous, quitte à ce qu’elle fasse débat. Il n’y a d’identité républicaine que partagée. C’est pourquoi la deuxième date à retenir est 1790, année de création d’une administration autonome.
Il me semble qu’une troisième date pourrait être choisie, qui, située dans un tout proche avenir, serait le prolongement du long processus que je viens d’évoquer. Cette date c’est 2011, année de l’ouverture du nouveau centre des archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine : situé à proximité immédiate de la basilique Saint-Denis, tombeau des rois de France, où fut enterré Philippe Auguste qui est l’inventeur des Archives nationales ; lieu pourtant emblématique de la diversité sociale de la France d’aujourd’hui, de ses difficultés, mais aussi des espérances dont elle est porteuse.
Il y a là un beau symbole de l’unité de notre histoire et je me réjouis de la perspective de pouvoir le célébrer prochainement avec vous, le jour de l’inauguration du nouveau centre.